Japanese story

Publié le par Missfeeverte

Voilà un petit diamant brut du cinéma indépendant australien qui n'a à mon souvenir, connu qu'un petit succès d'estime et est passé relativement inaperçu lors de sa sortie (en tout cas en France).



Réalisé en 2003 par Sue Brooks, "Japanese story" n'est pas resté bien longtemps en salle et aussitôt DVD-tisé, a vite intégré les chambres-froides des Vidéofutur, véritables fast-food du cinéma qui ont parfois le mérite de proposer (c'est d'ailleurs surprenant...) ce genre de film...voire même de les garder en stock (moi qui pensais que tout blockbuster vieux de plus d'un an était aussitôt décrété périmé, la prochaine fois, je tournerai 7 fois ma langue dans ma bouche avant de l'ouvrir!). japanese story

L'intrigue est relativement simple, puisqu'elle met en scène la rencontre improbable de deux êtres que tout semble opposer de prime abord, tant sur le plan culturel que personnel.

D'un côté Sandy, géologue passionnée et décomplexée, et de l'autre Hiromitsu, homme d'affaire japonais et client potentiel de la société de logiciels spécialisée en cartes géographiques dans laquelle travaille la jeune femme.

Bien contre son gré, Sandy va se retrouver obligée de jouer les guides touristiques pour cet homme froid et sexiste qui veut absolument visiter le désert du Pilbara et ensemble, ils embarquent pour un voyage qui changera leurs vies à jamais.



Grande fan de Toni Collette, je partais déjà sur un a priori favorable mais j'avoue que je ne m'attendais vraiment pas à recevoir une telle claque! 

C'est bien simple: le film dure 1h45 et j'ai du pleurer pendant à peu près...une heure!

Mais pas des larmes de midinette, façon "Un automne à New York" ou "Love Story", larmes sucrées douces pour émotions bon marché, auxquelles on se laisse volontiers aller en compagnie d'une tablette de chocolat ou de bonbons aussi chimiques que colorés. 

Non, de vraies larmes qui ne pouvaient plus s'arrêter de couler parce que j'avais l'impression qu'il y avait eu un tremblement de terre juste là, dans mon coeur, et que par cette faille ouverte, s'échappaient pleins de questionnements, de vérités et de réalités que notre éducation nous apprend à refouler dès notre plus jeune âge et qui nous rendent si vulnérables lorsque nous nous retrouvons confrontés aux impondérables de la vie...



Au milieu de décors absolument somptueux, Sue Brooks nous fait pénétrer par petites touches progressives dans la psychologie de ses personnages. Dépeint l'accident d'une rencontre et d'un amour éphémère impulsés par le spectre de la mort, la profondeur de sentiments inconnus qui se déploient comme des fleurs d'eau, sensuelles et vénéneuses, et l'on embarque avec les deux protagonistes pour un voyage qui nous changera nous aussi.

Entre ciel et terre, sous des méridiens qui entrent en collision puis s'enlacent le temps d'un éblouissement furtif, les destins se croisent, se nouent et s'envolent ou poursuivent leur chemin, chacun avec une justesse et une délicatesse infinies.


Ce film respire l'humanité et dit la vie plus que l'amour, plus que la mort qui n'est qu'un passage vers l'inconnu. Rester là, continuer. Accepter, comprendre et pardonner.

Ici la nature reprend ses droits, la force rendue aux éléments et l'homme redevenu bien fragile dans cet environnement hostile.

Ciel bleu et horizon infini.
Terre, sable, rochers.
Creusés, broyés, domptés par les foreurs et les géologues mais parfois aussi assassins, tombeaux ultimes de celui qui par le ciel, s'en va rejoindre la poussière de la terre qui 
l'a vu naître...

Bande-annonce:




En farouchant sur le net, je suis tombée sur cette critique de Nicolas Bardot (www.filmdeculte.com), que j'ai trouvée très belle et très juste:
 

Rencontre forcée et improbable d’une géologue australienne et d’un businessman japonais. La première est engagée comme guide par le second, dans un désert qui sera le décor d’un étrange voyage.

JE VOUDRAIS TE DESSINER DANS UN DESERT

Désert, haut lieu au chic le plus aiguisé. Dumont y largue ses amants maudits, Van Sant y perd ses Gerry, et à quelques milliers de kilomètres de là, Sue Brooks égare son improbable couple dans la canicule du Pilbara.



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Qu’a-t-elle de japonaise, cette histoire perdue au cœur de l’Australie? Ses pieds sont enfoncés dans le sable d’un désert que Brooks offre en plongée en ouverture de film, soulignant son immensité tout comme son étrange beauté, sa peau changeante et disparate de caméléon. Peut-être est-ce la simplicité d’un haïku, tenant à rien mais s’ouvrant vers l'infini. La vie et la mort, l’amour et la haine, la flamme d’un silex que peut créer une rencontre impromptue.





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En l’occurrence elle, Australienne active et exubérante, et lui, Japonais touriste et effacé. La confrontation paraît d’abord bien convenue, avec son cahier des charges de l’opposition culturelle en tant que refrain vieux comme le monde, et quelque peu usé. Mais la richesse fragile de Japanese Story, c’est justement de donner à voir un déjà-vu lassant pour en percevoir l’inédit. Juste avant que le film ne bascule dans le vide qu’il s’est échiné à créer.
 

L’ABSENCE

Le désert comme laboratoire aux révélations n’est pas une réelle nouveauté, et Sue Brooks n’y prétend pas. Son histoire est une simple et élégante traversée sur un fil branlant ou la mort est un spectre sourd, deus ex machina permanent donnant son prix au quotidien le plus anodin. Du trépas, on en parle autour d’une table de cuisine, avec cette fascination qu’a la mère de l’héroïne pour cette ombre intouchable qui semble sommeiller dans chaque grain de sable sans qu’on ne se soucie de sa présence. Passage surnaturel et naissance des fantômes, Brooks orchestre un désert dont on ne remarque la nudité que lorsque la mort y a fait son œuvre. Japanese Story tourne alors à la mélopée lyrique, formidablement mise en musique par Elizabeth Drake, et transcendée par le feu de Toni Collette. L’absence y est d’une rare amertume, muette et affligée. Les photos sont un cliché essentiel à la reconnaissance du vide, et le deuil accompagne longtemps après que les cercueils s’envolent au ciel. A l’image d’un titre simple et mystérieux, Japanese Story offre son regard avec humilité, son humanité à la barbante familiarité mais aux vibrations uniques.

 

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